"Le PEI a des conséquences bénéfiques pour l'archéologie préventive"
Source : Corse-Matin du jeudi 27 mars 2008, p. 5.
Auteur : Sébastien PISANI
L'archéologue Daniel Istria est chargé de recherche au sein de l'UMR Lieux, espaces et activités CNRS - Université de Corse. Spécialiste en matière d'archéologie préventive, il a été amené à intervenir sur de nombreux chantiers, comme le tracé de la future voie rapide entre Borgo et Folelli, le site Alban à Ajaccio, ou plus récemment l'église d'Aléria. Il nous livre les clés de cette discipline qui se trouve régulièrement sous les feux de l'actualité.
En quoi consiste l'archéologie préventive ?
Il s'agit d'une méthode de l'archéologie née dans les années 60 avec les grands aménagements urbains. La découverte de vestiges a nécessité que l'on intervienne rapidement pour collecter un maximum d'informations avant leur destruction. L'association pour les fouilles archéologiques nationales a été créée dans la foulée pour mener ces opérations de sauvetage. A l'époque, elles s'apparentaient davantage à du BTP qu'à de l'archéologie, car il fallait procéder pendant les travaux, au beau milieu des bulldozers... En 2002, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a vu le jour pour intervenir au plus près de ces chantiers d'aménagement. Il est organisé en huit interrégions ; la Corse est rattachée à celle incluant le Languedoc-Rousillon et la région PACA.
L'intervention des archéologues n'empêche pas la destruction des vestiges
D'abord, il faut préciser que, si nous sommes toujours contraints de travailler vite, afin de ne pas perturber le calendrier du chantier d'aménagement, nous intervenons désormais avant que les travaux ne débutent. Pour le reste, les vestiges immobiliers sont effectivement voués à la destruction. Mais, les archéologues s'appliquent à conserver leur mémoire scientifique. L'exploitation et l'interprétation des données se font ensuite en laboratoire. Le cas du site Alban mérite d'être cité. Fait très rare, l'aménageur a accepté de conserver en l'état les vestiges du baptistère paléochrétien en modifiant le permis de construire initial...
On entend de plus en plus parler d'archéologie préventive en Corse, pour quelle raison ?
Tout simplement parce que les projets d'aménagement se multiplient. Le site Alban a frappé les esprits car il s'agissait de la plus grosse opération d'archéologie préventive urbaine réalisée en Corse. Mais, plus globalement, on peut dire que le déclenchement du Programme exceptionnel d'investissement a eu une conséquence directe sur notre activité. Par exemple, nous avons pu travailler pour la première fois sur des linéaires de plusieurs kilomètres suite au chantier de la future voie rapide entre Borgo et Folelli. C'est une véritable chance. Il faut savoir que depuis que l'archéologie de sauvetage a été mise en place, ce type dinterventions génère plus de 90% des informations archéologiques...
L'aménageur est moins chanceux, puisqu'il doit payer les frais liés à ce type de fouilles...
Lorsque le service régional de l'archéologie (voir par ailleurs) est avisé d'un projet d'aménagement, il peut être amené à prescrire un diagnostic archéologique en fonction de données dont il dispose. Ce dernier n'est pas à la charge de l'aménageur. En revanche, en fonction des résultats collectés sur le terrain, une fouille peut être déclenchée et elle est effectivement à la charge de l'aménageur. Soit il décide de payer, soit il modifie ou abandonne son projet pour préserver les vestiges. Il arrive encore que des aménageurs ne prévoient pas le coût potentiel de l'archéologie préventive dans leur budget... Mais, une idée fausse persiste : notre action ne retarde pas le calendrier d'un chantier.
Deux opérations de fouilles programmées en 2008
Le service régional d'archéologie joue un rôle pivot en matière d'opération préventive. Le conservateur, Joseph Cesari, et son équipe sont amenés à prescrire des diagnostics archéologiques en fonction des projets d'aménagements dont ils sont destinataires. Si des éléments significatifs sont découverts sur le terrain, un dossier est transmis à la commission interrégionale de la recherche archéologique, dont un avis positif peut amener le préfet de Région à prendre un arrêté de fouilles préventives.
En 2008, neuf opérations de diagnostic et deux opérations de fouilles sont programmées. Ce qui correspond à une moyenne annuelle, sachant que les fouilles peuvent parfois être un peu plus nombreuses, au gré des projets d'aménagement qui émergent. Des chiffres à mettre en rapport avec la douzaine d'opérations de fouilles archéologiques classiques que l'on enregistre chaque année, et la dizaine d'opérations de type prospection, inventaire ou thématique.
Joseph Cesari ne croit pas à une augmentation significative du nombre de fouilles préventives en Corse. A cela, une raison principale : "l'archéologie préventive s'exerce surtout dans le contexte d'aménagements urbains. Or, sur le continent, la plupart des villes d'environ 50 000 habitants sont très anciennes, au moins d'époque médiévale. La plupart des villes insulaires sont plus modernes, aux alentours du XVe siècle, d'essence militaire, donc restreintes dans leurs remparts, et souvent créées ex nihilo, sur du rocher...". Ce qui diminue évidemment les chances de tomber sur une foule d'autres vestiges de l'envergure du baptistère du site Alban.
Sébastien PISANI
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